Le Compas direct, l’âme du peuple Haïtien

Publié: 13 janvier 2011 dans Caraïbe Francophone, Dossier du mois, Haïti, Konpa, Kompa,Compas, Musiques d'Haïti
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Peu importe qu’on l’écrive compas, Konpa ou Kompa, cette musique dérivée de la méringue (version haïtienne plus lente du merengue dominicain) est au fil du temps devenu l’ADN des Haïtiens, d’où qu’ils soient en Haïti ou dans la diaspora, pauvres ou riches.

Nemours Jean Baptiste, père du compas

Le compas est né d’une innovation rythmique apportée par la compétition musicale entre deux musiciens d’exception, Webert Sicot et Nemours Jean Baptiste. C’est en effet à la fin des années 50 que ces deux comparses après avoir débuté et joué dans « L’Ensemble aux calebasses » (du nom d’un night club de Mariani dans banlieue sud de Port au Prince) fondèrent chacun de leur coté un style musical le « Compas Direct’’ pour Nemours Jean-Baptiste et la « Cadence Rempa » pour Webert Sicot.

De cette lutte musicale fratricide, c’est le « Kompas direct’’ qui a survécu. Cette musique, vouée à la danse et à la détente, inspirée par  la manière de jouer des grands orchestres dominicains, les Conjuntos, a fait danser toute la population : les pauvres des bidonvilles et la bourgeoisie des quartiers riches. Et pendant longtemps, cette musique a été le seul moyen d’expression de tout un peuple vivant sous le joug dictatorial des Duvalier.

Années 60, les Mini Jazz

Par la suite, toute une pléiade de talentueux musiciens vont suivre les sillons tracés par ces prestigieux aînés, pour perpétuer un mouvement musical qui inondera toutes les Caraïbes, l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Afrique. A la fin des années 60, les orchestres tels que les Shleu-shleu, les Gypsies, les Difficiles, les Ambassadeurs ont remplacé les formations de Nemours et Sicot. Ces groupes, appelés mini-jazz, étaient composés de deux guitaristes, d’une guitare basse, d’une batterie, d’un saxophone alto et d’un chanteur, et avaient fait le bonheur des mélomanes.

Années 70, l’âge d’or

Avec les Skah Shah, Tabou Combo, DP Express, Frère Déjean, Coupé Cloué, Bossa Combo, Magnum Band, System Band, Djet X, Shoogar Combo,Tropicana, Septentrional, la musique haïtienne exercera un véritable leadership dans les Caraïbes. Au point que les musiciens des Antilles Françaises durent fonder une association de défense des artistes locaux!

Années 80 – Années noires

Les années 80 marquent un recul écrasant du compas haïten face à la déferlante du zouk des Antilles Françaises. Seule la machine Tabou Combo saura résister et dans une moindre mesure, Magnum Band.

Années 90 –Konpa Digital

Les années 90 sont synonyme de restructuration du compas et voient  percer l’ère du Konpa digital.De nouveaux groupes se forment et pour tenter de concurrencer le zouk, Robert Martino, membre alors de Top Vice et pilier du compas « old school » ((Difficiles de Pétion-Ville, Gypsies de Pétion-Ville, Scorpio d’Haïti, les As de Pétion-Ville, Mini All Stars),va « synthétiser » le compas et introduire’ un nouveau style de rythme, basé sur une consonance répétitive et rythmée de la guitare avec des effets (delay, super-chorus) un vrai « groove » que les Haïtiens ont vite bâptisé « le kité’l maché » (« Laissons tourner »).

C’est une révolution car avec la boîte à rythmes et le synthétiseur, plus besoin de la ligne de vents, les cuivres, ni même d’une guitare rythmique ou encore des percussions. Ce qui de fait, décime les orchestres traditionnels dit « full band ».

Cette utilisation , parfois à outrance des nouvelles technologies fait du konpa digital une sorte de musique techno à l’haïtienne et ouvrira la porte à  toute une génération de jeunes musiciens qui vont profiter de cette opportunité pour rafraichir le Compas et l’ouvrir à des influences musicales résolument modernes telles que le hip-hop, le r’n’b, le reggae et le dancehall.

Groupes de l’époque :Top Vice, Digital Express, Zin.

Années 2000 – Nu konpa

A force d’user du synthétiseur et de la boîte à ryhthmes, le konpa digital s’est à nouveau essouflé. Les jeunes musiciens du début des années 2000 vont tenter de renouer un peu avec les instruments abandonnés par le passé comme les cuivres, et les percussions, dans un savant mélange entre l’expérience des anciens et l’énergie de la jeunesse. De plus, ils vont  fortement s’inspirer du zouk  et en utiliser les recettes, tant au niveau du format des groupes que des sonorités. : le Nu Kompa ou Konpa nouvelle génération est né.

Ces nouvelles sonorités zouk-compas arrivent à point nommé et profitent de l’essouflement du zouk pour revenir en force dans la Caraïbe, notamment dans les Antilles Françaises où des groupes tels que Carimi ou T-Vice sont très populaires. Elles inspirent également de nouveaux groupes Antillais, tout comme Original H de Paris, qui connaît un beau succès.

Groupes actuels : T-Vice, Carimi, Ti Kabzy, Zenglen,Djakout Mizik, D’zine, Dega, Original H.

Certains puristes, amoureux du compas direct « old school » déplorent  une certaine stagnation de la musique populaire haïtienne, qui selon eux, perd cette force identitaire qui la caractérisait, car il est aujourd’hui difficile de différencier certains groupes haïtiens de groupes de zouk des Antilles françaises.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Kompa

RFI : Le compas, le pouls d’Haïti -De Tabou Combo à Ti Kabzy

http://en.wikipedia.org/wiki/Compas_music

http://www.imagenouvelle.com/compasdirect.htm

http://musique.haiti.free.fr/haitian%20records%20vol%2001/0pageaccueilgroupes.htm

commentaires
  1. Vallès Latry dit :

    Très bel article. Une petite rectification pourtant, les années 80 ne peuvent être qualifiées d’années noires du konpa. La déchéance du konpa a commencé vers 1986 avec les troubles politiques. Jusqu’à 1985, malgré Kassav et le Zouk, ne konpa tenait encore bien la route.

    Par ailleurs, on ne peut pas réellement donner à Top Vice la paternité de la nouvelle génération. Le groupe Zèklè en avait donné les ingrédients dès le début des années 80 et l’album fondateur de la nouvelle génération est en fait celui de Skandal justement titré nouvelle génération en 1989.

    Pour aller plus loin et mieux comprendre le compas (konpa), voici une série d’articles publiés sur Nationsoleil.com: http://www.nationsoleil.com/konpa-50-ans-le-diagnostic.php

    • fwimusicadmin dit :

      Merci pour votre commentaire éclairé ! Les points que vous avancez sont pour moi de l’ordre de l’appréciation personnelle et de la différence de perspective. Même si vous situez la chute du konpa en 1986, ce sont quand même les années 80, et de ma perspective, c’est à dire des Antilles Françaises, face au zouk de l’époque, le konpa faisait pâle figure, et on ne l’entendait guère plus sur les ondes, même s’il résistait dans la sphère haitienne (Haiti et sa diaspora). Vous avez sans doute raison pour l’attribution à Zéklè (que j’adore) et à Skandal,pour le côté « Nouvelle génération », mais même si ces groupes (dans la même lignée plus tard, Sakaj) ont des rythmiques konpa, leurs musiques est à mon sens beaucoup plus riches, plus « fusion », mélangeant des rythmes de rock, funk, jazz et autres, pas le son que l’on entend habituellement dans le konpa, nouvelle génération ou pas. Après on peut débattre 1000 ans ! :))
      J’en profite pour vous féliciter pour l’excellent travail que vous faîtes, votre site est une vraie mine d’informations et le seul que je connaisse qui présente un réél panorama de toutes les musiques Haïtiennes, qui si souvent sont injustement réduites au konpa, y compris sur les sites de musiques faits par des Haïtiens, d’où ma volonté dans ce dossier spécial d’explorer d’autres genres, même si le konpa reste incontournable.
      Bonne continuation !
      Amicalement.
      Afroritmo.

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